Voyage en Norvège

À l’époque, en Belgique, il n’y avait pas de concessionnaires Ural. Elles n’intéressaient personne, d’autant plus que la majorité des modèles vendus alors en Europe était non tractée.
 
C’est tout à fait par hasard que nous sommes tombés sur un concessionnaire de Dnepr, en allant se promener dans une petite ville flamande. Il en avait une seule, de couleur vert pomme. Il nous en a vanté les capacités de chargement et de franchissement ; il nous en a révélé le prix, 160.000FB (4.000€) et le samedi d’après je la sortais du garage.
 
Cet attelage était beaucoup plus facile à conduire que la Calif 850T3 attelée. Le revers de la médaille, n’étant qu’une 650cc, c’est qu’elle n’était pas du tout faite pour les grandes routes où elle patinait à du 90km/h. Qu’à cela ne tienne, nous l’emmenions d’octobre à mai sur la remorque le vendredi soir pour rejoindre notre caravane quelque part dans les Ardennes belges (nous changions de camping tous les deux ans).
 
La boue et la neige étaient ses domaines de prédilection ; les passages à gué aussi, mais de tous, c’est la neige qui nous amusait le plus. Différentiel bloqué, elle passait partout, imperturbable. Nous prenions les chemins de randonnée ou forestiers. Manchons et poignées chauffantes, je pilotais, ma femme assise derrière et les chiens dans le sidecar, la tête penchée à l’extérieur pour bien voir où nous allions.
 
Ces motos avaient mauvaise réputation. Or, je n’ai jamais eu le moindre problème avec celle-ci. Je ne me souviens plus pourquoi je l’ai vendue. Je crois me souvenir que quelqu’un me harcelait pour que je la lui cède.
 
Quelques années plus tard, en balade à moto du côté de Waterloo, je m’arrête devant un magasin que je ne connaissais pas et qui vendait des Royal Enfield et des Dnepr. Il en avait deux, une neuve et une d’occasion, noire avec 1600km au compteur. Le prix était alléchant, 60.000FB (1.500€), suffisamment pour que je parte avec dans le courant de la semaine.

Le voici, préparé rallye-raid de l'extrême (?), la veille du départ : fourche à balancier, baraholka à l'avant droit, porte-bagages avec sac étanche pour les vêtements, sac avec matériel photo sur la selle passager et tête de fourche d'une Guzzi V50 police. 


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Au mois de juin, nous l'emmenons en Norvège. Le premier jour de voyage il pleut à verse toute la journée et nous rejoignons l’hôtel d’étape détrempés jusqu’aux os. J’avais réservé un garage pour l’attelage. Le lendemain, nous rejoignons Kiel où un ferry nous emmène à Oslo. Comme nous sommes parqués dans le fin fond de la cale, nous devons poireauter une bonne heure avant de pouvoir sortir. Mais cette attente a du bon. Une norvégienne habitant l’Allemagne entame la conversation et nous indique les bons restaurants où il faut absolument s’arrêter.
 
Nous sortons du ferry et nous nous dirigeons vers le nord. En plein milieu d’un tunnel, le moteur s’arrête. Nous la poussons jusqu’à la sortie. Je sais ce qui se passe puisque cela m’est arrivé déjà deux ou trois fois : les fils du contacteur dans le pseudo-compteur se sont détachés. Je répare et on s’en va.
 
Que c’est beau la Norvège ! Ça monte, ça descend, les paysages sont féériques, nous nous amusons comme de petits fous. À chaque halte, je contrôle le niveau d’huile et fais l’appoint. Le coffre du side est rempli par un bac à outils de quoi dépanner tout un bataillon de motos tractées. Ce qui n’empêche que dans l’après-midi, dans une belle montée, nous entendons un klang-klang-klang effrayant. « C’est quoi ? », me demande ma femme. « Ça, c’est une bielle coulée. »
 
Nous trouvons un automobiliste que veut bien nous appeler une dépanneuse. La dépanneuse vient nous chercher et nous emmène dans un camping fermé où nous passons la soirée dans une hutte insalubre sans boire ni manger. Le lendemain matin, il vient nous chercher et nous emmène chez un concessionnaire BMW dans la ville voisine. Je contacte le mien pour qu’il envoie bielles et le toutim à l’adresse. Pronostic : une bonne semaine d’attente. Je contacte mon assureur chez qui j’ai une assurance omnium. Il va nous faire parvenir une voiture pour les quinze jours de vacances, gratuitement. Le dépanneur nous emmène dans un hôtel à proximité. À la réception, la préposée nous dit qu’elle n’a plus de chambres libres. J’en parle au dépanneur, qui rentre dans l’hôtel et en revient deux minutes plus tard nous disant qu’il y a bel et bien une chambre de libre. Notre accoutrement de motard aura dû l’effrayer. Elle nous refile une suite avec jacuzzi, lit king size sur une estrade et le toutim et où nous nous tapons soir et matin des harengs à toutes les sauces.
 
Le lendemain matin, nous mettons les voiles avec la voiture et nous passons toutes nos vacances bien à l’abri, ce qui s’avère bien utile car il pleut pendant quinze jours.
 
Je vous passe les détails de nos aventures, très cocasses par ailleurs, pour en venir à notre dernier jour. Nous rendons la voiture à un préposé de l’agence et récupérons la Dnepr, bien nantie de nouvelles bielles. Dans la fille d’attente pour rentrer dans le ferry, nous sommes à côté d’une Honda Gold Wing allemande avec sidecar pour deux enfants et avec remorque, le tout peint d’une couleur bordeaux personnalisée. L’homme et la femme assise à l’arrière, une belle blonde dont le balcon est plus que généreux, nous font un beau sourire, mais j’ai la nette impression que leur sourire est plutôt une grimace de commisération.
 
Bref, nous sommes rentrés sains et saufs en ayant passé de très bonnes vacances lors desquelles nous nous sommes poilés du matin au soir. Nous n’avons jamais autant ri en vacances.
 
Le reste de l’histoire est brève. Quelques années plus tard, je l’ai vendu pour je ne sais plus quelle raison.
 
J’aurais bien aimé avoir un tel attelage tracté en Grèce. Les Dnepr n’y existent pas, elles n’existent plus tout court, mais bien les Urals, tractées ou non. Leur prix s’étale de 20 à 25.000€. Ils sont fous ces Grecs !